Par Jérémy Joly

Pour cette troisième édition, le Festival CineComedies 2020 a organisé une projection de vos deux premiers films ainsi qu'une masterclass. Est-ce que c'est une marque d'attention qui vous touche ?
Vous commencez votre carrière au moment de la Nouvelle Vague, est-ce que c'est un mouvement cinématographique qui vous intéressait ?

Justement, on retrouve dans ce film un couple d'acteurs, qu'est Philippe Noiret et Catherine Deneuve, que je trouve magnifique, avez-vous pensé à eux dès l'écriture du scénario ?
Jean-Paul Rappeneau : En classe, ce qui m'intéressait, c'était l'Histoire. Chaque année, on reprenait la chronologie, avec les rois qui se succèdent. Les siècles passent. Quand arrive la fin de l'année, on étudiait l'année 1789, où tout changeait. Quand "La Vie de château" est sorti, il a reçu le Prix Louis-Delluc. Les journalistes m'ont interviewé et m'ont demandé quels étaient mes projets. J'ai employé le mot "comédie", j'ai compris qu'au fond, c'est ce que j'aimais. Et j'ai ajouté le mot épique, le film se passerait durant la Révolution française. Rien n'avait encore été écrit et il m'a fallu plusieurs années.

Ce film a-t-il eu des difficultés à voir le jour ?
Jean-Paul Rappeneau : Cela coûtait si cher à réaliser que la plupart des producteurs ont reculé. C'est Alain Poiré, qui travaillait pour Gaumont, qui a permis au film de voir le jour. Il m'a dit qu'en France, ce serait impossible à produire, avec la construction des décors, la diversité des lieux et le nombre de figurants. Il venait de produire "Les Fêtes Galantes" de René Clair en Roumanie. Tout s'était bien passé. Les salaires étaient bas, c'était encore la Roumanie de Ceausescu, le rideau de fer était loin d'être tombé. Nous avons tourné là-bas mais avec beaucoup de difficultés. Je trouve que la pauvreté du pays et des figurants a rendu le tournage assez sombre. J'en vois encore des traces lorsque je visionne le film. Je verrai ce soir, lors de la projection, si cela continue de me frapper.
Dans ce film, vous dirigez Jean-Paul Belmondo et Marlène Jobert, avez-vous pensé à eux lors de l'écriture du scénario ?
Jean-Paul Rappeneau : Marlène Jobert, non. Je voulais faire un film qui se passe durant la Révolution, une période tellement diverse, avec ces différents clans et cette France coupée en plusieurs parties. Je me suis dit que ce serait intéressant de découvrir cela par un français qui aurait quitté son pays pendant plusieurs années et qui reviendrait pendant la Révolution. Il serait notre regard sur les massacres de Nantes, la Chouannerie en Vendée, toutes les images d'Épinal. J'avais co-écrit le scénario du film "L'Homme de Rio" de Philippe de Broca. J'avais fait la connaissance de Jean-Paul Belmondo, avec qui je m'entendais très bien. Je lui avais parlé de cette histoire. Il était enthousiaste et voulait faire le film. Le scénario a été écrit pour lui, peut-être même trop. J'étais tellement content que ce soit lui. Stendhal disait : "Un roman est un miroir qu'on promène au bord des routes et qui reflète la réalité de ce qu'il y a autour". Belmondo était le miroir en question. Il m'a aidé à tenir le coup face à la réalité du cinéma dans ce pays de l'Europe de l'est à cette époque lointaine.
Lorsque j'ai regardé votre filmographie, j'étais étonné de constater que vous n'avez réalisé que huit longs-métrages seulement, des films certes de qualité, mais ce petit nombre m'a laissé perplexe. Pourquoi est-ce qu'il y a eu cet espacement de plusieurs années entre les films ?
Jean-Paul Rappeneau : Cela fait partie de mon caractère. (rires) Lorsque j'ai réalisé "Cyrano de Bergerac", le lendemain de la première, je déjeunais avec les agents qui s'occupaient de moi. Ils me demandaient ce que je voulais faire après un tel succès. Il y avait un livre de Jean Giono qui a été pendant longtemps le roman de mes vingt ans, celui que je relisais sans cesse et que je voulais adapter. Mes agents ont cherché afin de savoir si les droits étaient libres. Dès le lendemain, j'ai appris que non. Je suis donc parti sur d'autres pistes. Il y a plus de films que je voulais réaliser et qui ne se sont pas faits que de films aboutis. Par exemple, avant "Le Hussard sur le toit", j'avais travaillé sur "Belle du seigneur", le roman d'Albert Cohen. Il faut voir l'armoire dans lequel je mets les projets non tournés ! C'est comme ça...
Votre dernier film, "Belles Familles", remonte à 2015. Est-ce que vous avez un projet actuellement ?
Jean-Paul Rappeneau : J'en ai un, il est toujours au chaud. Mais on m'a demandé d'écrire un livre sur ma vie et mes films, ce qui me passionne. Je suis en train de le terminer. Pour le moment, je suis concentré sur ce livre.
Quel est votre regard sur la comédie française actuelle ?
Jean-Paul Rappeneau : Vous pensez à qui par exemple ? Ah puis non, je ne vais pas dire de noms ! Disons que rien n'est vraiment mon genre... Sinon, je ne sais pas ce que va faire Jérémie Imbert pour le festival, mais je pense que ce serait bien de rendre hommage à Philippe de Broca.