Par David Mauqui
Annoncé comme le nouveau “chef d'œuvre” de Martin Scorcese, "The Irishman", diffusé exclusivement sur la chaîne de streaming Netflix,
risque de décevoir avec une production peut-être surévaluée. Réunir un
casting prestigieux suffit-il à sauver un scénario bancal et aussi
peu original qu'un voyage en TER ? Ce sera mon angle d'attaque.
Dans ce trop long film (3h30 !), nous sommes invités à suivre le
parcours de l'entourage de James Riddle Hoffa, directeur du plus
important syndicat de routiers aux États-Unis dont la disparition en
1975 compte parmi les grands mystères de l'histoire du crime
américain, même s'il est peu probable qu'il soit parti rejoindre Elvis
Presley et Jim Morrison aux Caraïbes.
On évoque dans "The Irishman" les relations
étroites entre un syndicaliste qui gère les retraites de droits privés
et ses rapports douteux avec le crime organisé qui s'appuie sur
cette manne financière pour financer ses façades légales nécessaires
au blanchiment d'argent de ses autres activités. Sur ce plan, on
n'apprend pas grand chose quand on est familier de cette facette de
l'histoire américaine ou qu'on a vu le “Hoffa” de Danny de Vito (1992)
ou bien encore "F.I.S.T." de Norman Jewison (1978).
Dramatiquement, on n'a pas non plus beaucoup de surprises puisqu'on
retrouve le style narratif de films précédents de Scorcese avec un
personnage qui évoque ses souvenirs en voix-off. Toutefois, là où on avait
un apport nouveau par le style et l'écriture dans "Les Affranchis" ou "Casino", la
voix laconique de Robert de Niro dans "The Irishman" ne vient ici que combler les lacunes
d'un scénario laborieux et fait ainsi l'économie de séquences qui
auraient sans doute ajouter à l'ennui.
On retrouve les grandes figures
du polar américain et certains habitués du réalisateur avec Al Pacino,
Joe Pesci, Harvey Keitel et Stephen Graham, mais ils se taillent la
part des lions et on s'interroge sur la présence de Jesse Plemons et
Anna Paquin relégués au rang de silhouettes parlantes. "The Irishman" se
déroulant sur près d'un demi-siècle, on a aussi du mal à trouver crédibles
ces acteurs dans leurs personnages “jeunes” qui s'expriment et se
déplacent déjà comme des vieillards dans les plus jeunes années.
Si j'appréhendais de voir un Scorcese sur un téléviseur, j'en ai
finalement été satisfait car cela m'a permis de faire des pauses dès
que le sommeil m'envahissait en visionnant ce qui aurait dû s'appeler
“Les Affranchis à l'EHPAD”. Peut-être les fans les plus endurcis du
genre, ou de ce réalisateur, y trouveront leur compte, mais sans doute
moins des cinéphiles avertis et exigeants comme un public venu pour se
divertir. Car perdre trois heures de sa vie pour finalement entendre
que le temps passe vite est faire preuve d'une triste ironie...